Avise, le biòu !

 

La Tradition

 

 

 

 

Dialogues du film

avec quelques précisions sur le vocabulaire

 

            Le film se situe dans le contexte des Courses Camarguaises dont il s’efforce de conserver l’ambiance, tout en s’amusant du comportement de nombreux spectateurs, très prompts à râler, à roundiner ou à rouméguer comme l’on dit ici : ‘C’est plus comme avant !’ ‘C’est pas la tradition !’

 

 

Dessins de Patrick Ouradou (Péo) © 2010

 

            De nombreux termes relèvent du parler régional, très utilisé dans le milieu de la bouvine. Son origine est la lengo nostro, que les anciens nomment souvent ‘patois’.

            Les termes régionaux sont traduits ou précisés au fur et à mesure de leur occurrence. Il est impossible d’en restituer la richesse en quelques mots. Pour plus d’informations on peut consulter le livre Avise, le biòu ! Des extraits sont disponibles sur ce site.

 

Voir aussi sur le site de la FFCC : http://www.ffcc.info/rubrique91.html

 

            Précisons, pour les non initiés, que la Course Camarguaise n’a rien à voir avec la corrida. D’ailleurs ici on se moque un peu de ‘l’Espagnol’ qui commente le comportement d’un taureau de Camargue avec le vocabulaire des amateurs de corridas (toro bravo/manso). Il faut savoir aussi qu’en pays de tradition camarguaise le mot biòu est traduit par taureau. Ce mot réunit trois sons sur une même syllabe (triphtongue), à la croisée de BI-O-OU et de BU-O-OU. Il n’est généralement pas facile à prononcer pour ceux qui n’ont pas la musicalité de la lengo nostro dans les oreilles et qui ont tendance à prononcer BIOU. C’est ce que fait notre charmante estrangère.

 

 

Les personnages

 

Le péquélet (le petit) et son papet  (le grand-père) : Jérémy Lépicier et Georges Rey

 

L’estrangère    (celle qui n’est pas d’ici) : Marie Marquis-Le Douarin

 

  Deux roumégaïres (ronchons) femmes : Jeanine Pallesi et Évariste  

 

  Deux roumégaïres hommes : Jean-Pierre Maurin et Patrick Aicart 

 

Un estranger d’origine espagnole : Patrick Aicart  

 

     Avec la participation de Jacques Valentin dans le rôle d’animateur de la course, ce qui correspond à son activité de tous les dimanches et jours de fête, de mars à octobre. Il est désigné comme Le Cascailleur.

 

Dans le Midi, cascailler signifie parler intensément, émettre un son continu et puissant. En fond sonore on l’entend  annoncer les primes : ‘5 euros de plus de la part de...’, ’10 euros de plus...’

 

Bande son au début de la course

 

Le cascailleur : Bonjour Mesdames, bonjour Mesdemoiselles, bonjour Messieurs. Vous allez assister à un concours de manades organisé par le club taurin La Vidourlade dont voici l’ordre de la course. 

 

    . Le Calos (dur à cuire, bâton noueux), manade du Bosquet (du petit bois)  

 

    . Planplanet (qui le prend à l’aise), manade des Mouligas (des gros mous)

 

   . Pistachier (chaud lapin), manade du Bartas (du buisson. Bartasséger signifie entre autres se retrouver dans les buissons en compagnie d’une fille)  

 

   . Lou Régent (le maître), manade du Biòulet (petit taureau, allusion au film Biòulet)

 

    . Esquiraou (écureuil), manade Saouta rigole (qui saute les ruisseaux ; on dit cela des filles légères)  

 

    . Le Calu (le fou), manade Gastaplantcha (celui qui gâte les planches, surnom habituel des menuisiers)

 

 

Le service médical est assuré par le docteur L’Estamaïre et les ambulances La Roubine.

 

 

 

Avec les raseteurs invités : Lou Pitchitié (petit), Espéloufi (ébouriffé),

Bouffarel (ange souffleur   - celui qui, dans les crèches, a de grosses joues -),

Merluce (morue), Tarabastin (remuant), Coussoun (charançon),

Gourmandas (grand gourmand), Marqua-maou (marque-mal),

L'Escambarlé (jambes écartées), Poussinou (petit poussin),

Le Caraque (bohémien) .

 

 

 

 

 

La capélado

 

 

Simbèou

  (Le simbèou est un taureau docile utilisé pour conduire les autres, ce mot signifie également étendard)

 

- Le roumégaïre 2 : Tu crois qu’elle sera bonne la course ?

- Le papet : Ah, y a quelques bons biòus, mais cette saison on se régale pas guère.

- Le roumégaire 1 : C’est plus comme avant...

- L'estrangère : Mais qu’est-ce donc ces gens tout de blanc vêtus ?

- Le papet : Eh bè, c’est la capélado ! (défilé en début de course camarguaise. Capel : chapeau)

- L'estrangère : Et pourquoi fait-on cela ?

- Le papet : Eh bè, c’est la tradition ! (Eh bien)

- Le péquélet : Papet, c’est quoi la tradition ?

 

 

 

1 - Le cascailleur : « Le taureau qui rentre en piste a pour nom Le Calos... »

 

- Le papet : Il porte bien son nom ce taureau, quel calos ! Ça c’est un premier !

   (Calos : gros bout de bois noueux. Se dit d’un taureau aussi mobile qu’un tronc d’arbre)

 

Calos

 

- Le péquélet : Papet, les premiers ils sont toujours au début ?

   (Allusion au fait qu’on appelle ‘premier’ un taureau dur à cuire, qui effectivement sort souvent en premier afin de calmer la fougue des raseteurs. Mais, dans certaines courses, le taureau qui sort en second est aussi un ‘premier’. Et à la célèbre course de la Cocarde d’Or, à Arles, où les raseteurs sont très nombreux, il est courant que tous  les taureaux soient des premiers)

- L’espagnol : El toro, a presss su querencia !

   (Expression d’origine espagnole, normalement réservée aux corridas, et qui recoupe  le terme méridional ‘se tanquer’)

- Le rouméguaïre 1 : Parle français, un taureau de Camargue, il se tanque !

   (Il occupe un terrain, souvent près des barricades, et ne veut plus en sortir)

 

Rousigon

 

- La roumégaïre 2 : Moi je te dis que c’est un rousigon.

   (Taureau qui ne donne pas de jeu. Rousiguer : ronger)

- La roumégaïre 1 : C’est parce qu’il y a plus de raseteurs, alors les biòus ils rousiguent...

- Le roumégaïre 2 : Le taureau qui se tanque, c’est un taureau qui a tout compris !

   (Effectivement, c’est la meilleure façon pour un taureau de ne pas se fatiguer et, s’il est bien contre la barricade, de voir venir les assaillants)

 

Tanquer (se)

 

- Le roumégaire 1 : Avant, les biòus, ils se tanquaient mieux qu’aujourd’hui !

- La roumégaïre 1 : Tout ça, c’est la faute de la Fédération !

   (Allusion à la Fédération Française de la Course Camarguaise, que certains rendent responsable de tous les maux. Ici la Fédération se trouve même incriminée pour le comportement des taureaux en piste !)

                                                                                                         

NB : Sur la bande son on entend à la fois l’air de Carmen, qui célèbre le combat valeureux d’un taureau, et des sifflets. Une large partie du public n’aime pas les taureaux qui se tanquent, car ils donnent peu de jeu. D’autres considèrent que ce sont des taureaux intelligents, ‘à l’ancienne’, et que c’est aux raseteurs d’entrer dans leur terrain pour les faire réagir.

 

 

 

2 - Le cascailleur : « Le taureau qui rentre en piste a pour nom Planplanet... »

 

Espousser

 

- La roumégaïre 1 : Oh pauvre, celui-là il sera vite espoussé.

   (Vite dépouillé de ses attributs, cocarde, glands, ficelles. Espousser : secouer vivement).

- Le roumégaire 1 : Peuchère, c’est une bédigue ! Un biòu comme ça chez nous, c’est pas la tradition !

(Bédigue : brebis)

 

Rastéler

 

- Le roumégaire 2 : Les rastélaïres, là ils se régalent.

   (Rastel : râteau. Rastélaïre, celui qui ratelle, qui rasète avec pour seul souci d’encaisser des primes, sans se préoccuper du style)

 

Brave

 

- La roumégaïre  2 : Ce biòu, tu peux croire qu’il est brave !

   (Gentil, et même un peu couillon)

- Le roumégaire 1 : Il est pas brave, il est bravas !

   (Trop gentil, vraiment couillon)

- L’espagnol : No ès oun toro bravo, ès oun manso !

   (Dans la tauromachie espagnole, un toro qui manque d’agressivité est dit manso, c’est le contraire d’un toro bravo. Le sens de brave est donc à l’inverse du parler méridional, d’où de savoureux quiproquos entre les deux types de public)

- Le papet : Dé qu’ès aquo, oun manseau, es oun couilloun qué ven d’aou Mans ?

   (Phrase dite en lengo nostro. Qu’est-ce qu’un manseau, c’est un couillon qui vient du Mans ? Jeu de mots à partir de manso. Petite moquerie à l’égard de ceux qui emploient le vocabulaire des corridas dans le contexte des courses camarguaises)

 

 

 

3 - Le cascailleur : « Le taureau qui rentre en piste a pour nom Pistachier… »

            (Le pistachier est un amateur de filles, et même un chaud lapin)

 

Pessuguer

 

- Le roumégaire 2 : Avise celui-là, il pountchoune !

   (Il donne des coups dans les fesses  ou dans les bras des raseteurs avec la pointe de la corne)

- Le roumégaire 1 : Moi je dirais plutôt qu’il pessugue.

   (Qu’il pince. En donnant un petit coup de corne, il pince la peau des fesses ou du bras du raseteur)

- Le péquélet : Papet, mamet elle te pessugue ? 

- Le papet : Oui. Et moi je la pountchoune !

   (Interprétation laissée à l’imagination du lecteur)

 

Bane (passer la)

 

- Le roumégaire 2 : Celui-là, il pète pas de planches, tu te régales pas ! (Péter : casser)

- Le roumégaire 1 : O fan ! Il passe la bane, moi je me régale !

   (Un taureau qui passe la bane, joue de sa corne par dessus la barricade, pour atteindre son adversaire sans se faire mal)

 

Rabaler

 

- Le papet : Mais je suis pas sûr que les raseteurs, eux, ils se régalent !

 

 

Entracte 

 

 

Le cascailleur : « Nous vous accordons quelques minutes d’entracte. Il y a une buvette à l’intérieur des arènes. »

(On notera que le trompettiste, très brillant lors de l’entrée du troisième taureau, l’est beaucoup moins lors de la reprise de la course)

 

Escaluder (s')

 

- La roumégaïre 1 : Tu te souviens de la course l’an dernier ? On s’était drôlement escaludé !...

   (Assommé, rendu fou, par l’intensité des rayons du soleil)

- Le roumégaire 1 : Avant, on s’escaludait pas comme maintenant, y avait de l’ombre partout dans les arènes. Ils ont coupé tous les platanes !

 

Mascarer

 

- La roumégaïre 1  :  ... et on s’était  bien fait mascarer !

   (Mâchurer. Ici : se faire avoir)

- Le péquélet : Papet, ça veut dire quoi mascarer ?

- La roumégaïre 2 : On avait dit qu’on reviendrait plus ! Mais quant on a la fé ! (La passion)

- Le péquélet : Papet, y a une fée ?

 

Bachas

 

- Le papet : Regarde-le, ce couillonas comme il arrose la piste. Avant, on arrosait mieux que ça !

   (Couillonas : grand couillon)

- Le roumégaire 1 : Ce couillon, il a fait un bachas ! (Grosse flaque, mare, cloaque)

- Le papet : Là, tu peux le dire : Elle est à l’eau la tradition !

 

Enréguer

 

- L'estrangère : Et l’air de Carmen, c’est la tradition ?

- Le papet : Oui, c’est ça ! Carmen elle est venue ici faire les vendanges. Et Don José, c’était un raseteur !

 

 

Fin de l’entracte

 

 

Le cascailleur : « Messieurs les portiers, à vos places s’il vous plaît… »

 

Pétas

(Un pétas est le produit du rapiéçage)

 

 

 

4 - Le cascailleur : « Le taureau qui rentre en piste a pour nom Lou Régent… »

 

Mestréjer

 

- Le papet : Ça c’est un taureau qui mestrège !

   (Qui commande, comme le fait le maître. Pour parler de leur maître, les anciens disaient Lou régent)

- Le roumégaire 1 : Oui mais y a personne pour le raseter.

- La roumégaïre 1 : Y a plus de raseteurs !

- Le roumégaire 2 : Ah, c’est plus comme quand y avait Alouani.

- Le roumégaire 1 : Ah dis plutôt du temps de Chomel.

- Le roumégaïre 2 : De Siméon !

- La roumégaïre 1 : Tous ceux-là, ils arrivent pas à la cheville de Soler.

- Le papet : Mon père, il disait que Soler, c’était rien comparé à Falomir.

 

Pète

 

- La roumégaïre 2 : Ils ont la pète. (Ils ont peur)

- La roumégaïre 1 :  Non les caguettes. (Peur au point de faire dans la culotte)

- Le roumégaire 1 : Y’a plus de raseteurs ! Vé, Ils arrêtent pas de chaouchiller. (Ils hésitent à n’en plus finir)

 

Chaouchiller

 

- Le papet : Mon grand-père disait que Rey, il plaçait seul son taureau en faisant un écart !

- Le péquélet : Papet, mamet elle dit qu’avec ton ulcère, il faut pas que tu fasses des écarts !

    (Bien entendu, les raseteurs sont évoqués par ordre d’ancienneté. C’était toujours mieux avant ! Pour autant j’ai entendu dire - mais la chose reste à vérifier - que Rey réalisait parfois une chose peu commune. En règle générale les raseteurs demandent à leur tourneur de placer le taureau. Toutefois, en faisant un écart au dernier moment lors de la charge du taureau, il est effectivement possible de laisser l’animal finir sa course dans un terrain choisi, puis d’enchaîner par un raset)

 

 

 

5 - Le cascailleur : « Le taureau qui rentre en piste a pour nom Esquiraou… »

 

Escamper (s')

 

- La roumégaïre 2 : Pour s’esamper, celui-là, il s’escampe. (Escamper : jeter)

- L’estrangère : Mais n’est-ce point dangereux ?

- Le roumégaire 1 : Tu sais pas qu’ils veulent nous mettre partout des rails de sécurité ! On y verra plus que dalle. (Plus rien)

- L’estrangère : Il faut d’abord penser au biou !

 

Dailler

 

- La roumégaïre 2 : Et en plus, il daille.

   (Dailler : faucher. Au foot, un joueur qui daille fauche son adversaire. En course camarguaise : couper le terrain.)

- Le péquélet : Papet, ça veut dire quoi dailler ?

- L'estrangère : Je ne comprends rien à ce que vous dites, quelle langue parlez-vous donc ici ?

- Le papet : Nous, on parle la langue des biòus !

 

 

 

6 - Le cascailleur : « Le taureau qui rentre en piste a pour nom Le Calu… »

 

Bacéler

 

- Le roumégaire 2 : Ça c’est un biòu !

- Le roumégaire 1 : Moi, j’aime pas ça, le taureau il s’escagasse ! (Il se fait mal, il s’aplatit)

- L’estrangère : En se comportant ainsi, le biou peut se faire mal...

 

Barricadier

 

- La roumégaïre 1 : C’est pour ça que le casque va être obligatoire !

   (Délire du dessinateur, mais aussi allusion au port du casque qu’à un moment il était question d’imposer aux gardians encadrant les taureaux lors de certains spectacles comme l’abrivado)

- Le papet : Les taureaux qui bacèlent, c’est pas la tradition ! (Bacéler : taper avec énergie)

- Le péquélet : Mais papééé !!! C’est quoi la tradition ?

 

 

 

7 - Le cascailleur : « Le taureau qui rentre en piste, en supplément, a pour nom Amaïri. C’est un espoir de la manade La Toupinade… »

            (Amaïri : excessivement attaché à sa mère. Un toupin est un pot de terre, ustensile fragile. La toupinade est le contenu du toupin. Tout cela ne laisse pas augurer d’un vaillant taureau)

 

Flacas

 

- Le roumégaire 2 : Quel mouligas ! (Quel gros mou !)

- Le roumégaire 1 : Un flacas, je te dis. (Flasque, indolent)

- La roumégaïre 1 : Une bédigue ! (Brebis)

- La roumégaïre 2 : Et comme toujours, eh bè les raseteurs, ils en profitent.

 

Grailles

 

- Le papet : Un vol de grailles !

   (Corneille et, par extension, corbeau. Cette expression désigne péjorativement les raseteurs lorsqu’ils se précipitent sur un taureau qu’ils ne craignent pas. Comme ces animaux, ils arrivent en nombre et se montrent avides)

- Le roumégaire 1 : Les raseteurs, c’est plus comme avant !

- La roumégaïre 2 : Y’a trop d’argent !

- La roumégaïre 1 : Y’a plus de respect !

- Le roumégaire 2 : Et les écoles de raseteurs ? On leur apprend qu’à sauter !

- La roumégaïre 1 : Ce sont plus des raseteurs, ce sont des coureurs à pied !

 

Abesti

 

- Le roumégaire 1 : Eh ça vient des taureaux ! Ancien temps, les biòus, ils étaient pas abestis comme maintenant. (Abêtis)

- La roumégaïre 1 : Tout ça, c’est avec l’Europe !

- Le roumégaire 1 : Internet

- La roumégaïre 1 : Les chinois

- Le roumégaire 1 : C’est fini les traditions !

 

 

A la fin du film

 

 

Le cascailleur : «  Bonsoir Mesdames, bonsoir Mesdemoiselles, bonsoir Messieurs. Maintenant, place à la bandido »

(Bandido : Lâcher de taureaux encadrés par des gardians à cheval. Dans la ‘tradition d’aujourd’hui’ c’est le spectacle ‘retour’ d’une abrivado)

 

 

 

- Le péquélet : Papet, pourquoi les gens, aux arènes, ils roumèguent tout le temps ? (râlent, ronchonnent)

- Le papet : Eh bè,... c’est la tra-di-tion !

 

 

 

René Domergue, le 24 février 2011.

 

 

 

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